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Alaclair Ensemble: vision totale

On dirait bien que le projet conjoint de KenLo Craqnuques, Maybe Watson, Accrophone et Ogden a maintenant dépassé le stade de la rumeur. Le Quai des brumes était plein à craquer, jeudi soir, pour voir l’une des rares apparitions montréalaises de la troupe (dont le personnel est réparti entre la vieille capitale et la métropole). Beatheads, hipsters, mordus de rap, aucune de ces réponses… Le tripot de l’intersection Saint-Denis/Mont-Royal voit rarement une telle diversité de visages en même événement.

Et si le clan Alaclair peut continuer sur cette lancée, on voit mal comment ça pourrait en rester là. En une petite heure sur scène, l’équipe a pleinement fait honneur aux brûlots de son album, 4,99, et su prouver que son univers particulier avait aussi une vie propre sur scène. En mettant le feu aux poudres avec un bref inédit explosif («on est vraiment dans un fourreur de mères»!), en donnant vie aux tubes de 4,99 («Guerre nucléaire», «Moi chu down», «Piles comprises»…), en livrant sa sympathique reprise francisée du «Rapper’s Delight» du Sugarhill Gang, en sachant entrer et sortir du carcan établi des pièces, que ce soit volontairement (versions raccourcies, modifiées, etc.) ou non (les vers oubliés étaient remplacés par du freestyle ou des blagues), ainsi que dans le badinage de bon aloi des rappeurs entre les morceaux.

Parfois, c’est bordélique. Tant au niveau musical que lyrique, les pièces sont chargées. Il arrive que sons, rappeurs et vers se pilent sur les pieds. Et alors? La valeur d’Alaclair Ensemble n’est pas tant dans l’exécution – quoique celle-ci soit déjà supérieure à la moyenne hip-hop – que dans la vision. Les rappeurs se complètent bien – Maybe Watson le loufoque, Eman le sérieux (son camarade d’Accrophone, Claude Bégin, était absent ce soir-là), Ogden le survolté et KenLo, ingrédient dominant de l’affaire, tantôt insolite, tantôt spirituel et tantôt old-school à souhait – pour décrire un paysage sonore et un discours singuliers, uniques. Aux beats ce soir-là, il y avait par ailleurs Vlooper, obscur collaborateur de KenLo sur les deux volumes de l’excellente série BULLESBubbles. Judicieux ajout.

C’est simple: sur scène comme sur disques, Alaclair Ensemble amène le hip-hop francophone, en fort mauvaise posture depuis plusieurs années, où il devait se rendre. Au sortir du show, on se sent comme à la fin de l’album: à nouveau amoureux du genre comme de la langue française, rassuré de constater que les deux peuvent encore faire bon ménage et donner une musique enlevante.

Pour les fans de programmes éclatés, il restait encore à venir le set du combo de rock excentrique Half Baked, qui aurait peut-être dû jouer les premières parties ce soir-là afin de profiter de l’attention de toutes les oreilles en présence. C’est devant un public amputé de moitié qu’il s’est produit, mais avec sa verve habituelle, bonifiée pour l’occasion par une formule trio qui sied bien à son punk-prog touffu. Le troisième membre? L’ex-Caféïne et ex-Psycho Riders Nicolas Bednarz, dont le son de guitare ajoute une touche vintage aux sonorités de l’habituel duo.

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