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The Low Anthem: country quincaillerie

La musique du quatuor du Rhode Island ne saisit pas nécessairement à la première écoute. Elle a un côté traditionnel assez fort, des accents rock austères, plusieurs références à Dylan… Mais elle a aussi un aspect bien actuel, de discrètes touches expérimentales, de même qu’une dense couche atmosphérique qui incitent à y revenir, qui suggèrent qu’il y a plus sous cette surface folk.

C’est ce qui m’a éventuellement fait craquer pour son plus récent opus, Smart Flesh, plus complexe que le précédent, Oh My God, Charle Darwin.

Jeudi dernier, à la Sala Rossa, on a constaté d’autant mieux à quel point The Low Anthem est un groupe atypique, spécial. La formation se meut et se comporte comme un organisme à part entière: elle respire, se repose, s’active et change d’humeur comme une vraie bestiole vivante, pas juste comme des musiciens s’adonnant à un tour de chant.

Il fallait les voir – le leader Ben Knox Miller, la menue Jocie Adams, le chevelu Mat Davidson (l’air tout droit sorti d’un film d’archive des Eagles) et le baraqué Jeff Prystowsky (sorte de David Crosby basané) – passer continuellement de l’un à l’autre des nombreux instruments sur scène – batterie, guitares, basse, contrebasse, harmonium, clarinette, trompette, accordéon, harmonica, autoharp, alouette – sans prononcer un mot, sans échanger un regard, concentrés comme des moines tibétains.

Des instruments par ailleurs au look souvent étrange (comme cette batterie aux pièces disproportionnées), joués de façon tout aussi atypique. À la batterie comme à la contrebasse, Prystowsky déployait un jeu irrégulier, hirsute, tandis qu’Adams tirait langueur et douceur de tout ce qu’elle touchait.

C’était en soi déjà bien nourrissant. Inhabituel. Mais ce n’était pas tout: après une poignée de morceaux pleinement arrangés, la bande se retrouvait au centre de la scène pour entonner, en chœur et en harmonie, autour d’un seul et unique microphone, les «Ghost Woman», «Love and Altar» et, évidemment, «Oh My God, Charlie Darwin», avec la six cordes acoustique de Miller (et peut-être parfois une clarinette et un accordéon aussi, dépendant des morceaux) pour tout accompagnement. Des moments de grâce, bien sûr, mais aussi, en arrivant ainsi à opérer dans un aussi simple appareil, prendre d’autres voix, d’autres tons, le groupe décuplait sa force de frappe. Après un éboulement rock comme «Boeing 737», il y avait de quoi être déstabilisé par de délicates harmonies à quatre voix sur fond d’accords épars. The Low Anthem a imposé le contraste à plusieurs reprises et avait d’autres balles courbes en réserve, par exemple lorsque Miller a demandé à qui le pouvait de chacun prendre chacun deux cellulaires, puis de les mettre en communication l’un avec l’autre à la fin de «This God Damn House», créant ainsi une vague d’interférences mélodieuses, un peu à la manière de la conclusion de «Karma Police» de Radiohead.

Bref, une soirée d’extrêmes, riches en revirements, composé d’autant de moments de beauté cristalline que bouts râpeux et décapants. Qu’on le classe dans la section folk ou rock, The Low Anthem se distingue par une ferveur quasi religieuse, un cœur qui respire et inspire le recueillement ainsi qu’une sorte de colle émotive qui semble unir ses membres. Beaucoup de groupes essaient présentement de mimer cette dimension spirituelle, qui semble néanmoins toute naturelle ici.

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