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Le Détesteur: si t’es pour être bitch sur les Internets, assume-toi

J'suis peut-être naïf, mais il m'arrive encore de croire que les gens sont conséquents dans la vraie vie par rapport à leur comportement virtuel. Quand j'vois une personne prendre un ton d'une condescendance excessive sur Facebook, par exemple, je conçois qu'il en serait de même, si un jour j'venais à la rencontrer. Pire encore, quand j'aperçois quelqu'un s'acharner, harceler, insulter, il peut m'arriver de penser, en me faisant une idée bien rapide de sa photo de profil, que ce dude n'a probablement pas peur de la confrontation, tant par le dialogue que par les poings.

Cette naïveté me vient assurément d'un forum que j'ai longuement fréquenté et qui a fait le plus gros de mon éducation deux point zéro. Je parle évidemment du site web hiphopfranco.com, l'une des plus grosses (et vieilles) communautés sur le web québécois.

Une naïveté qui, en fait, n'en était pas une, pour l'époque, parce que plus souvent qu'autrement, les gens qui poussaient à bout, au point de rendre la connerie à un niveau dangereusement personnel, finissaient par croiser ceux qu'ils s'amusaient à harceler à distance. Des claques ont été reçues, des gueules ont été défoncées, de la peau a été pénétrée par l'entremise d'objets coupants, des hôpitaux ont accueilli. Heureusement et malgré tout, des mots ont été prononcés, fort ou calmement, pis des mains ont été serrées. Tout ça, c'est arrivé.

J'ai toujours eu ce consensus avec ma tête comme quoi jamais je ne me battrai, pis à date, on a pas mal respecté notre entente, moi pis elle. J'peux pas concevoir que mon poing puisse atteindre le visage d'un inconnu, pis encore moins le sien sur ma gueule. Y'a là-dedans une proximité non-désirée qui m'rend mal à l'aise. Fak, en tant que gars non-violent, j'me suis toujours arrangé pour m'éviter des claques.

Le jour où j'ai entendu parler d'un premier contact physique directement lié à des idioties de forum, j'me suis permis une petite introspection. Est-ce que j'serais capable de répéter c'que j'viens de dire si courageusement, en pleine face? J'imagine que oui. Le ferais-je avec la même arrogance? Probablement pas. En usant des mêmes mots? Encore moins. Je ne pouvais clairement assumer mon attitude.

Résumons. J'veux donc m'éviter la confrontation dans la vraie vie, mais je ne veux SURTOUT PAS me taire. L'équilibre entre les deux existe certainement. J'ai dû quelque peu modifier mon comportement virtuel, soit, cesser l'acharnement provocateur sur un individu en lui balançant n'importe quelle marde qui me passe par la tête. J'me suis hérité d'une grande dose de sagesse en même temps. Méchant deal.

Je l'ai réalisé et mis en application en 2005. Imagine. Aujourd'hui, on semble avoir perdu ces notions élémentaires toutes simples, à l'ère où tout l'monde interagit à visage découvert. On insulte, on s'acharne, on va trop loin. Pis pourtant, on n'assume pas.

J'ai pu observer tout récemment, de braves guerriers du keyboard se retrouver, incidemment, face à leur dite «e-proie». C'était cute de les voir éviter le eye contact, sourire nerveux aux lèvres, alors qu'ils acceptèrent la poignée de main (molle dans leur cas), en omettant bien sûr de faire mention des lâchetés exprimées derrière l'écran. Mais vraiment, le plus magnifique dans tout ça, c'est toujours ce fameux regard qui laisse à coup sûr transparaître la phrase suivante: «Fuck. Je souhaite TELLEMENT que personne ne m'aperçoive en train de ne même pas assurer la FUCKING moitié de la personnalité que j'tente en vain de dégager sur Facebook.»

C'est bien dommage, parce que j'ai tout vu. Et maintenant, vous le savez.

J'ai fait un choix de non-violence. Vous aussi d'ailleurs, audacieux qui n'assumez guère, si j'me fis à votre sourire niais. Mais d'autres non et je conçois que pour bien des gens, les mots ne suffisent plus quand on les provoque et insulte avec autant d'ardeur et de ténacité féroce. Soit. Mais sachez donc qu'il existe des méthodes efficaces qui brisent davantage l'estime en toute finesse, vous évitant du même coup la confrontation involontaire. Dans votre cas, la honte.

Savoir concilier liberté d'expression et tact c'est aussi se payer une bonne conscience. La journée que votre «victime» cherchera à entamer le dialogue et que vous en serez incapable, c'est là que vous aurez compris que vous venez tout juste d'échouer intellectuellement.

Je vous déteste.