As-tu vu la vidéo? Bin oui. Je l'ai vue. Cette vidéo dont l'appellation est réduite à «la vidéo», au même titre que les mouchoirs sont désormais Kleenex. Nul besoin de la décrire, on sait de quoi je parle. Cette semaine et pour celles à venir, «la vidéo» est dorénavant celle, et aucune autre, où l'on peut voir une victime se faire lacérer, nécro-fourrer et fesse-déguster dans une sordide scène tournée à Montréal.
Pour être honnête, j'ai déjà vu pire. Pas plus tard qu'hier, ma curiosité m'a forcé à visionner le lynchage d'un jeune Africain qu'on a brûlé vif sur la place publique. Le seul motif serait l'homosexualité. Au passage m'attendaient aussi les assassinats sanglants par le cartel mexicain (qui servent d'avertissement), ou encore le jeune blogueur tué pour avoir exposé la vérité sur l'armée syrienne sur les YouTube.
Les gens, troublés par le scandale décrit plus haut, en viennent à questionner la santé mentale de ceux qui visionnent ce type de vidéo (c'est-à-dire, moi et possiblement vous).
Mais pourtant, chaque vidéo m'oblige à boire une bonne pinte d'humilité et de poser un regard critique sur la façon dont les gens jouissent de la liberté qui nous est offerte ici. Comme par exemple, j'ai toujours eu d'la difficulté à concevoir qu'une personne à bord de son véhicule puisse justifier sa rage de princesse dans l'urgence d'obtenir du temps et du confort. Tu matérialises l'invisible, man! T'as même réussi à te convaincre avec les années que l'humain devrait, autant que possible, ne pas avoir à subir l'attente, le froid, le chaud, l'intempérie ou l'effort non rémunéré. Développer une dépendance à des solutions qui n'ont pas (ou peu) de problème, c'est abandonner lentement mais sûrement une liberté qui nous est crissement chère. Quand je croise des automobilistes angoissés qui enfoncent agressivement le klaxon pendant près de 20 secondes, quel que soit le tabarnack de motif, j'ai toujours une p'tite pensée pour le dude en Syrie, à qui on a tranché la tête pour avoir osé réfléchir au mot liberté.
Les frissons que me donnent ces vidéos me permettent également d'interpréter davantage le climat et désordre qui règnent dans ces pays, de la même façon que l'on s'informe des méfaits du SPVM au cours des manifestations étudiantes par l'entremise des médias sociaux.
Bref, depuis le cas Magnotta, protagoniste principal de ladite vidéo, on nous reproche d'avoir regardé son court métrage, nous, présumés tordus. J'peux pas contester vraiment. Sommes-nous fêlés? Possible. J'pourrais pas dire, étant donné que je m'adonne à ce type de visionnement depuis l'âge de 16 ans. Merci à KaZaa pour l'initiation, back en 2001.
Mais écoute dude, on m'suggère l'existence d'une réalité qui perturbe l'ordre des choses, j'peux pas faire autrement que de lui accorder un peu d'attention. Qu'on parle d'une émeute, d'un tsunami ou d'un meurtre, s'il m'est accessible, je lui jetterai un œil. C'est ennuyant l'ordre établi, pis des fois, on m'propose de m'évader, d'aller voir what the heck is up ailleurs, de me retrouver face à la mort d'autrui, aux dévastations de mère nature, ou comme dans le cas actuel, de fouiller dans la tête d'un désaxé sexuel. C'est pas toujours super, mais ça remet certaines choses en perspective.
Toutefois, j'peux t'accorder qu'il est regrettable qu'on ait tous regardé un dude de Montréal se faire démembrer chaque partie du corps, le pénis révélé à la caméra, la tête déposée plus loin, violant du même coup sa dignité ainsi que celle de ses proches. On n'aurait pas dû, mais c'est trop grand pour nous, on trouve ça fucked up qu'un humain puisse en arriver à de tels actes, tout près de chez nous.
Donc oui, je l'ai vue, la vidéo.
Je te déteste.