Si on dit de la clique du Plateau, imaginée par Jeff Fillion en début de millénaire, qu'elle n'a jamais vraiment été, je crois qu'on ne pourrait s'obstiner fort longtemps quant à son existence au courant de la dernière année. Cette fois, les artistes, et même Guy A. Lepage, n'en sont plus les acteurs principaux. Le Plateau? Pas forcément un pré-requis non plus.
Une clique tacite, trois point zéro, qui ne nécessite pas de carte et dont la plupart des membres n'ont aucune idée qu'ils y appartiennent. J'en fais certainement partie. Toi aussi, possiblement. Notre lien social, nos codes et valeurs partagés en masse sur les médias sociaux nous trahissent, dévoilent nos stratagèmes et la rendent évidente. Si je sais qu'elle existe c'est que je me trouve aux premières loges. Mon news feed Facebook étant alimenté uniquement par des gens dans le domaine des communications, d'influenceurs et de mes propres lecteurs, j'assiste à chaque jour à l'enfantement d'un nouveau buzz. Préalablement et judicieusement sélectionné par un influenceur avec du flair, celui-ci aura su bonifier la nouvelle ou chronique de façon à ce qu'elle se rende jusqu'à toi et dans les heures à suivre, probablement, dans la télé de tes parents. On joue un rôle déterminant dans l'actualité.
Les premiers à repartager sont généralement ceux qui ne font pas semblant de comprendre ce qu'ils viennent de lire et connaissent suffisamment le sujet pour accompagner leur publication d'un commentaire pertinent de leur propre cru. D'influenceur en influenceur, on repartage et procède ainsi.
Pis c'est là qu'interviennent les moins initiés, moins connaisseurs, ceux qui dépendent du flair des autres, qui n'oseront jamais prendre l'initiative, mais veulent tout de même participer avant que ça se rende aux oreilles du commun des mortels. Ceux-là, ils surveillent avant de passer à l'action. Ils ne liront peut-être même pas le texte dans son entièreté, voire, juste le titre, tant que le billet s'annonce comme la saveur/la risée du jour, impossible de se tromper. On les voit très rarement repartager des articles qui n'ont pas été partagés au préalable par au moins une bonne dizaine de personnes-clés.
Les premiers qui partagent déterminent le ton, également. S'ils décident que l'auteur d'un texte est dans le tort, alors il sera dans le tort. Si non seulement il est dans le tort, mais qu'en plus il vient de pondre un crisse de déchet, ce tabarnack de crétin, alors il sera un tabarnack de crétin dans le tort qui vient de pondre un crisse de déchet. La clique ne sera pas portée à insulter si on ne lui a pas confirmé qu'il s'agit d'un cas d'insultes. Elle attend le OK de la permission collective.
Un exemple récent de «La clique renouveau» à l'oeuvre? Sophie Durocher. Elle s'est fait ramasser pour avoir pris la défense de la ministre de la Condition féminine, Rona Ambrose. Une crisse de conne, à l'unanimité. Et tu vois, moi, c'est l'unanimité qui me dérange. Elle venait de dire une connerie, j'en conviens. Mais c'était pas si gros que ça, honnêtement, pas au point d'en faire tout un esti de plat. Quand j'ai aperçu une première personne la traiter de tabarnack d'épaisse, j'suis retourné lire son billet de blogue pour m'assurer que je n'avais pas manqué quelque chose. J'ai trouvé le propos incohérent, comme à ma première lecture, mais jamais au point de prendre part à un lynchage public. Du moins, pas cette fois-ci.
Je ne peux adhérer à cette unanimité absolue. Je n'y crois pas. Comment tous ces gens peuvent-ils penser aussi unilatéralement, repartager si rapidement, se prononcer dans les mêmes mots et en arriver aux mêmes qualificatifs (dans ce cas-ci, une conne), à la fin de la journée? N'ont-ils pas une alerte pour leur rappeler que: «Dude, j'dois t'arrêter là, t'es en train d'être fucking complaisant, pis sois honnête, t'as pas pris le temps de relativiser les choses»?
Malgré tout, cette clique reste l'une des meilleures choses que le Web nous ait permis, dernièrement. Mais on gagnerait à faire preuve d'un peu moins de complaisance, de plus d'ouverture et d'en profiter pour réfléchir davantage, au lieu de tout rejeter du revers de la main. Parce qu'après tout, c'est probablement ce que tentent de nous faire comprendre en vain Sophie Durocher et les chroniqueurs de droite. Le problème c'est qu'ils sont des tabarnack de crétins maladroits incapables de s'exprimer convenablement sans pondre un crisse de déchet incohérent. Oups, my bad.
Je vous déteste.