Aller au contenu
Le Détesteur: la standardisation comme projet de vie
Crédit: À l'inverse de l'image du Détesteur qui vocifère sur tout, j'suis un gars qui sait garder son sang-froid plus souvent qu'autrement. J'ai par contre tendance à m'emporter rapidement quand on me laisse entendre que je ne suis pas «normal». En fait, c'est pas tant ce qui vient me chercher, mais qu'on prétende que je devrais l'être, et par conséquent, qu'il n'existe qu'une seule façon pour y arriver.

À l'inverse de l'image du Détesteur qui vocifère sur tout, j'suis un gars qui sait garder son sang-froid plus souvent qu'autrement. J'ai par contre tendance à m'emporter rapidement quand on me laisse entendre que je ne suis pas «normal». En fait, c'est pas tant ce qui vient me chercher, mais qu'on prétende que je devrais l'être, et par conséquent, qu'il n'existe qu'une seule façon pour y arriver.

Prenons par exemple cette femme, à la banque. Je me suis ouvert un nouveau compte cette semaine et j'ai dû répondre aux questions habituelles. Ça m'angoisse toujours un peu, parce que je sais, qu'à une des questions, y'aura un blocage, c'est comme ça, #pigistelife oblige, ma vie n'a rien de très conventionnel. Donc on y arrive:

Et avec votre autre banque, votre compte épargne vous sert à économiser pour quoi, principalement?

Rien. Pour être honnête, je ne pourrais même dire si j'ai ça, un compte épargne.

Oui, mais Monsieur, vous devez bien économiser pour une maison, une voiture, des enfants…?

Non.

Oui, mais…

NON.

Et c'est là que l'atmosphère de l'entretien est devenue awkward. Quand je méprise quelqu'un, mon visage change complètement, je ne peux rien camoufler. Et c'était bien le cas. Cette idiote venait de faire ébouler quelques pierres dans ma conception que je m'efforce de maintenir de la vie. Elle s'en remettait au common knowledge en sous-entendant que c'est c'que les gens normaux font dans la vie, s'acheter une maison pis planifier d'avoir des enfants.

Je sais, on pourrait croire que mon égo fût froissé et que je n'appréciais pas qu'on me marginalise. Mais nope, rien de tout ça. C'est que j'ai toujours eu cette vision subversive et naïve de la vie, selon laquelle je me dis que, tant qu'on contribue à la société et qu'on n'enfreint pas les lois (dans une moindre mesure), on reste libres de nos choix, no matter crisse-esti what. Dès qu'on me laisse savoir que je serais CENSÉ adhérer à des concepts dont on ne devrait PAS dépendre et pour lesquels je n'ai rien signé, en jouant la carte de: "Oui mais tout l'monde fait ça!", je grince des dents.

L'étonnement de la dame, le fait qu'elle insiste et son air déconcerté n'ont fait que réaffirmer ce que je sais, mais tente de me cacher à moi-même depuis des lustres: les gens acceptent habituellement, sans trop de réticence, ce qu'on leur apporte comme des évidences. Le commun des mortels n'arrive plus à se voir comme une entité indépendante pouvant se départir de ses fugacités, quand bon lui semble. Et pourtant, il l'applique sans difficulté à son vieux PC lorsqu'il lui donne de la misère. Il prend le temps de s'asseoir, d'opter pour la doctrine Less is more et de s'en tenir à l'essentiel. Le reste, ce qu'on lui a pourtant déjà targué d'être primordial au bon fonctionnement de son ordinateur, il le désinstalle.

Mais la vraie vie, c'est autre chose. On standardise des concepts et les ajoute à un rythme effréné à nos moeurs, sans broncher ni rebrousser. La garderie, par exemple. Au fil des ans, on a fini par se convaincre qu'elle était cruciale à l'épanouissement personnel et social des enfants. Certains parents ne les y inscrivent même plus par faute de temps, mais bien pour qu'ils s'adaptent à la société. Parce que c'est ce qu'on leur a dit. Ou encore, les nouveaux couples qui emménagent ensemble après seulement deux semaines de relation amoureuse. Et bien évidemment cette normalité qui m'occasionne de l'urticaire n'est marquée que par le regard dédain des normaux à l'endroit des marginaux qui n'y auront pas adhéré.

Pour finir, j'aimerais saluer mon voisin, qui par les coups qu'il donne sur le mur qu'on se partage, semble vouloir m'aider à assimiler que la nuit, le sommeil s'opère dans le silence absolu, entre 9PM et 9AM, et non pas à n'importe quelle heure avec la télévision qui fonctionne en continu. Tsé, le common knowledge.

Je vous déteste.