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Critique de «Cinq Visages pour Camille Brunelle»: Vivre à travers Facebook ou bien mourir?
Crédit: En décrivant la dérive de Facebook, Instagram, Twitter et compagnie, Guillaume Corbeil a trouvé le moyen de faire un in your face à tous les spectateurs de l’Espace GO avec une habileté, une drôlerie et un sens du punch incomparables.

En décrivant la dérive de Facebook, Instagram, Twitter et compagnie dans la pièce Cinq Visages pour Camille Brunelle, Guillaume Corbeil a trouvé le moyen de faire un in your face à tous les spectateurs de l’Espace GO avec une habileté, une drôlerie et un sens du punch incomparables.

En réalité, cette Camille Brunelle n’est rien d’autre qu’une jeune femme croisée par les personnages lors des multiples soirées photographiées/statuées/commentées où ils apparaissent le temps de s’inventer une vie, une personnalité ou une communauté. Dès le départ, les cinq trentenaires nous balancent des énumérations sur ce qu’ils ont vu au cinéma, ce qu’ils ont lu, ce qui joue dans leurs oreilles et ce qu’ils ont aimé au théâtre, en essayant chaque fois d’être plus spécial que celui ou celle qui les précède.

En plus de maîtriser à merveille les multiples déclinaisons du « J’aime » facebookien, le texte de Corbeil plonge tête première dans la puissance de la photographie-floue-prise-par-un-iPhone où les personnages en mal d’attention décrivent dans le moindre détail ce qu’ils ont fait, qui ils ont embrassé, à quelle heure ils sont rentrés, avec qui ils ont couché, en plus d’évoquer ce moment si drôle où ils ont ri d’une blague qu’ils ont déjà oubliée.


Crédit: Jeremie Battaglia

Orchestrée avec simplicité et inventivité, cette démonstration de la surface évite habilement le sentiment de vide qu’aurait pu provoquer un tel procédé. En plus d’utiliser à merveille un écran où sont projetées quantité de photos à un rythme endiablé, Claude Poissant a inséré ici et là un mouvement de hanche, un bruit de bouche ou un regard en coin qui viennent ponctuer les énumérations sans fin. L’idée de faire jouer les acteurs sur un ton s’approchant de la narration – à l’image du ton uniforme que l’on retrouve sur les réseaux sociaux – permet également aux spectateurs de profiter des perles du texte et d’interpréter le propos avec une liberté décuplée.

Après avoir paradé devant nous leur presque-vie et leur semblant d’existence, les trois jeunes femmes et deux jeunes hommes dévoilent la banalité de leur quotidien et l’absence d’étincelle de leur condition. Habitués qu’ils sont de se servir des réseaux sociaux comme planche de salut, ils auront alors le réflexe de se vautrer dans cette absence d’éclat pour attirer l’attention autrement, débutant ainsi le concours de celui ou celle qui souffrira le plus, et de celui ou celle qui réagira le plus durement à la souffrance de l’autre.

Au final, il reste des personnages qui oublient ce qu’ils sont, des réseaux sociaux qui calfeutrent nos carences, une distribution sans faille, un metteur en scène capable de magnifier un texte déjà franchement brillant, et un auteur qui trouve le moyen d’ajouter au discours ambiant une réflexion abrasive et divertissante sur l’état de notre humanité virtuelle.

 

Cinq visages pour Camille Brunelle
Du 26 février au 23 mars
Théâtre Espace GO | 4890, St-Laurent | espacego.com

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