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Critique de «Berberian Sound Studio»: une expérience sonore… incomplète
Crédit: Le deuxième film de Peter Strickland est une sorte de trip cinéphilique (constantes références à Lynch, Hitchcock, etc.) qui s'intéresse à l'élaboration de la bande sonore d'un long métrage italien, version giallo.

Le deuxième film de Peter Strickland (Katalin Varga) est une sorte de trip cinéphilique (constantes références à Lynch, Hitchcock, etc.) qui s'intéresse à l'élaboration de la bande sonore d'un long métrage italien version giallo (film de genre qui mêle suspense, horreur et érotisme – voir l’œuvre de Dario Argento).

Gilderoy (Toby Jones), un ingénieur sonore avancé dans l'âge, un peu naïf, quitte son Angleterre natale pour aller s'enfermer dans un studio italien afin de travailler des sons, des voix. Le travail s'effectue sous une tension menée par Santini, un réalisateur égocentrique (Antonio Mancino) qui n'écoute rien, suivi par sa bande de techniciens instables, dont certains ingrats, toujours prêts à manipuler le cul d'une femme sans lui demander son avis. Dans les cabines de son, des acteurs (surtout des actrices) passent pour enregistrer des répliques, travailler un cri, un chant satanique, le tout en imposant entre les prises leur « caractère troublé ». Quand il n'enregistre pas des voix, Gilderoy passe le reste de son temps à travailler les effets sonores : couper des choux pour avoir le son d'une tête coupée, broyer de la pâte tomate dans un mixeur pour retrouver le son d'une tronçonneuse qui tranche de la chair… Le surmenage se fait ressentir (actrice quittant le plateau avant la fin du doublage, salaire non-payé) et Gilderoy perd lentement ses repères pour aboutir dans un délire imagé entre sa réalité et la fiction gore de Santini – double mise en abyme : les langues se changent, la violence prend des allures plus réelles, la menace semble se concrétiser.

Berberian Sound Studio est une expérience (sonore) en soi, mais l'expérience n'est pas complète. Le réalisateur aurait gagné à mettre autant de rigueur dans la construction de sa mise en scène visuelle que dans sa mise en scène sonore. Un mélange inventif de différents genres (fiction-horreur-comédie), nous fait un peu perdre nos repères, le réalisateur jouant des effets manipulateurs de la bande son pour faussement dicter nos émotions. Strickland livre un film qui n'est jamais ce que l'on pense et nous amène constamment vers des tensions frôlant une horreur inventée, jamais tangible. Il y a des moments forts (voir les scènes de cris, de reproduction sonore, le délire final), mais le film se termine et on se dit qu'au final, on aurait peut-être été plus diverti à voir la fiction de Santini avec son histoire de sorcières maléfiques persécutées à mort.

Berberian Sound Studio
En salle dès le 2 août au Cinéma du Parc