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Le cinéma québécois célébré en grandes pompes à Palm Springs
Crédit: Romane Bohringer et Marc-André Grondin dans Vic + Flo ont vu un ours

Palm Springs, repère ensoleillé en plein désert du sud de la Californie, attire un lot impressionnant de visiteurs deux fois l’an. La petite communauté de 45 000 habitants se transforme en ville-dortoir chaque mois d’avril pendant Coachella (PS étant situé à moins de 30 minutes du festival). Mais le cœur de la ville bat réellement son plein durant le Festival international du film de Palm Springs, deuxième en importance aux États-Unis en terme de fréquentation.
 
Depuis le week-end dernier, cette destination prisée des riches retraités et autres friands de golf est prise d’assaut par des hordes de producteurs, d’acteurs et de clones d’Ari Gold en provenance de Los Angeles. À cette frénésie hollywoodienne s’est greffé un imposant volet de la programmation consacré au cinéma canadien, qui selon le festival, se démarque par « sa volonté d’aborder de front des réalités complexes, de sortir des sentiers battus ». Sans surprise, cet hommage au Made in Canada fait la part belle aux réalisateurs québécois, en présentant les plus récentes œuvres de Louise Archambault (Gabrielle), Denis Côté (Vic + Flo ont vu un ours), Mathieu Roy (L’autre maison), Sébastien Pilote (Le démantèlement), Denis Villeneuve (Enemy), Bruce LaBruce (qui a tourné Gerontophilia au Québec), Wiebke von Carolsfeld (Stay) et Chloé Robichaud (Sarah préfère la course).
 
Nightlife.ca était sur place pour rencontrer la délégation canadienne et prendre le pouls de cette vague d'enthousiasme. Comment nos artisans perçoivent-ils le rayonnement du Québec/Canada à l’étranger? Quel est leur grand coup de cœur canadien des dernières années? L’ensemble des réponses est assez révélateur: tous les artistes interviewés, peu importe leur provenance, ont arrêté leur choix sur un film québécois.
 
 
1. Marc-André Grondin
Acteur, Vic + Flo ont vu un ours

Le rayonnement de Denis Côté à l’étranger:
« Denis est très présent: quand il reçoit des invitations de festivals, il les fait tous, quasiment. Si je suis ici, c’est que lui ne peut pas être là. Il est très respecté car il se rend disponible et est très intéressant dans les Q&A. C’est un réalisateur qui a une belle vision du cinéma et il le fait sans prétention. Ses films sont intéressants parce qu’ils sont vécus différemment par chaque personne dans la salle. »
 
Comment décrire le cinéma québécois:
« Je pense qu’on a la chance d’être très américanisés et en même temps très ouverts sur l’Europe. La grande qualité du cinéma américain, c’est le storytelling. Nous, on a ça. En même temps, on a une finesse et un esthétisme cinématographique qu’on va chercher de l’Europe, et je pense que c’est ce qui rend notre cinéma plus intéressant, qui le démarque du cinéma américain ou du cinéma français. »
 
Un film canadien qui t’a marqué récemment:
« Tout est parfait d’Yves Christian Fournier. Le côté raw de la chose, souvent on comprenait fuck all de ce qu’ils disaient, j’avais quasiment envie de mettre les sous-titres, mais il y avait quelque chose dans l’ambiance du film qui faisait très frères Dardenne. La fin aussi, super belle. »
 
 
2. Don McKellar
Réalisateur, The Grand Seduction


L’idée de faire un remake d’un film québécois:
« À part Starbuck, il n'y en a aucun qui me vient en tête! Je ne m’attaquerais jamais à faire un remake des Boys, par exemple, à cause de la spécificité culturelle de la chose. Mais La grande séduction, c’est à propos d’une communauté isolée de pêcheurs, ce n’est pas une histoire propre au Québec. En fait, cette petite communauté peut être vue de façon très exotique pour bon nombre de Québécois. Nous avons transposé l’histoire à Terre-Neuve, ce qui est exotique aux yeux des Torontois tout comme Ste-Marie-la-Mauderne l’est probablement pour les Montréalais. Ça marche! »
 
Un film canadien qui t’a marqué récemment:
« Monsieur Lazhar, je crois que c’est un film quasi parfait, sans aucune note fausse. C’est une œuvre d'une puissance indéniable, peu importe ses goûts en matière de cinéma. Impossible d’y résister! »
 
 
3. Louise Archambault
Réalisatrice, Gabrielle


La portée du cinéma canadien à l’étranger:
« Moi, je le vois juste cette année, en me promenant avec Gabrielle dans différents pays, autant l’Estonie que les États-Unis, la France ou l’Allemagne… l’engouement est le même. C’est assez incroyable. Je me rappelle, lorsque j’étais étudiante, c’était la vague Wong Kar-wai, le cinéma de Hong Kong, et on trippait, c’était la saveur du mois. Si c’est à notre tour, super! Profitons-en. »
 
Un film canadien qui t’a marqué récemment:
« J’ai été sur des sélections de courts métrages dernièrement et je suis fan d’un gars qui s’appelle Matthew Rankin qui vient de Winnipeg et qui vit maintenant au Québec. Je lui avais donné dans un jury mon coup de cœur pour Tabula Rasa, mais il a fait aussi Negativipeg, qui est à mon avis extraordinaire. Un cinéma extrêmement bien fait, original et qui touche à de vrais sujets. »
 
 
4. Bruce LaBruce
Réalisateur, Gerontophilia

 
L’importance pour un réalisateur de se déplacer aux festivals:
« Considérant le type de film qu’est Gerontophilia, un long métrage indépendant à petit budget, tu dois vraiment le vendre région par région, et être sur place pour le présenter. J’étais au festival de Rio, par exemple, où nous avons vendu le film à HBO Latinoamérica suite au succès de nos projections. Il y a aussi le fait qu’après avoir consacré deux années de ta vie à un projet, tu veux le partager et établir un dialogue avec ton public! »
 
Un film canadien qui t’a marqué récemment:
« Je suis un grand fan de Denis Côté; j’ai adoré Curling. Ce film me rappelle plusieurs de mes films québécois préférés d’une autre époque, comme Sonatine de Micheline Lanctôt ou Les bons débarras de Francis Mankiewicz. Pour moi, Curling s’inscrit dans cette lignée de films. C’est entre autres pourquoi ce fut un énorme privilège de tourner mon dernier film au Québec et de travailler dans ce contexte. »
 
 
5. Sébastien Pilote
Réalisateur, Le démantèlement

Ce qu’un réalisateur tire de ses expériences sur le circuit festivalier:
« Ce qui est bien pour moi, c’est surtout de rencontrer le public. Les gens viennent te voir, les yeux remplis d’eau, ils ont de la difficulté à te parler du film, ils veulent exprimer toutes sortes de choses. Le public ici est très âgé, et moi, c’est mon public naturel, mon cinéma attire beaucoup les retraités. Une dame entre autres, elle ne devait pas avoir loin de 100 ans, et elle connaissait mon premier film, Le Vendeur. Il y a un public de fidèles ici qui suivent les cinéastes. »
 
Un film canadien qui t’a marqué récemment:
« Diego Star, un film que j’ai trouvé vraiment très, très beau. »
 
 
6. Richie Mehta
Réalisateur, Siddharth

 
Ce qui t’incite à tourner trois de tes quatre derniers longs métrages en Inde:
« Avec le premier, Amal, mes liens familiaux tissés serrés ont pesé lourd dans la balance. Mais l’Inde en soi est un environnement tellement cinématographique, l’humanité des gens est vraiment exposée au grand jour. Chaque fois que j’étais là-bas, je me voyais confronté à des situations extrêmement émouvantes. Pour le public occidental, l’Inde est souvent perçue comme un autre univers. J’aime rentrer chez moi et rappeler aux gens qu'il s’agit bel et bien de la même planète. »
 
Un film canadien qui t’a marqué récemment:
« Incendies. C’est un film extraordinaire: beau, dérangeant, éloquent, impeccable, différent de tout ce qu’on a déjà vu porté à l’écran. »
 

La délégation canadienne à Palm Springs (Crédit: Chelsea Lauren/Getty Images for PSFF)

Festival international du film de Palm Springs
Du 3 au 13 janvier | psfilmfest.org