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Expo «Transpose»: L’invisible mis à nu sous l’objectif de Jean-François Bouchard
Crédit: Jean-François Bouchard

De jour, il est président de l'agence de pub Sid Lee, mais dans ses temps libres, Jean-François Bouchard s’avère être un photographe redoutable s'attaquant à des sujets subversifs. Avec Still Life (2010), il abordait la fascination au-delà du sexe qu’exercent les poupées de latex sur leurs propriétaires. Cette dernière série lui a d’ailleurs valu cinq prix Lux. Présentement à l’Arsenal Montréal, Transpose bouscule nos préjugés et nous questionne sur l’intangible se cachant derrière chaque image. Jean-François Bouchard a pris le temps de répondre aux questions de Nightlife.ca alors qu’il était de passage à Paris.

Nightlife.ca: Pourquoi avoir choisi comme sujet la communauté transgenre et en particulier ceux qui sont passés du sexe féminin au sexe masculin?  
Jean-François Bouchard: Je m'intéresse tout particulièrement aux groupes plus marginalisés qui font l'objet de préjugés. J'ai choisi des personnes FTM (female-to-male) car j'ai pensé que cette réalité – moins connue – inciterait davantage à la réflexion pour comprendre les motivations de mes sujets.

Comment êtes-vous entré en contact avec les membres de la communauté transgenre?  Était-ce ardu de trouver des gens FTM prêts à poser devant votre objectif?
Cette communauté est très active en ligne et les forums de discussion abondent. C’est de cette façon que j'ai pu entrer en contact avec plusieurs sujets. Ceci dit, plusieurs FTM veulent rester dans l'ombre et ne veulent pas participer à un projet qui rappelle leur identité d'origine. Certains étaient – et c'est bien normal – craintifs face à un projet piloté par un inconnu n'étant pas transgenre lui-même.

Comment décririez-vous votre expérience? Quelles ont été les difficultés rencontrées?  
Ma plus grande surprise a été de ne pas en avoir! En effet, je m'attendais à des sessions photo un peu particulières, voire étranges. Ce fut tout le contraire. Mes sujets étaient tout simplement des mecs venus se faire prendre en photo. Ils étaient bien dans leur peau alors je l'étais aussi.

Pourquoi avoir choisi la forme conventionnelle du portrait pour représenter cette réalité qui demeure pourtant marginalisée?
Je m'intéresse à l'intersection entre la forme documentaire et la photographie plasticienne contemporaine. Je souhaitais que les images soient porteuses d'une réalité allant bien au-delà des apparences suggérées au premier regard. En faisant des portraits tout simples, presque trompeurs, je veux pousser les gens à réfléchir à une réalité plus complexe.

À la lumière des témoignages que vous avez recueillis, comprenez-vous davantage la motivation des gens rencontrés?
Je ne crois pas qu'il soit vraiment possible de comprendre ce besoin si on ne le ressent pas soi-même. Comment imaginer son corps comme une prison? Je pense que ce sentiment puissant peut difficilement être imaginé par une personne dont l'identité et le corps sont alignés. Une chose est certaine: toute personne s'imaginant que la transition est le fruit de caprices ou de perversions sortira de cette expo avec une vision plus informée des choses.
 
Transpose
Du 20 mars au 10 mai
Arsenal Montréal | 2020, rue William