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Le Détesteur: ce que le retour de Leloup m’a fait réaliser

J'ai visionné -un peu après tout le monde- l'entrevue de Jean Leloup lors de son dernier passage à Tout le monde en parle, la semaine dernière, et nul besoin de préciser que son album tourne également en heavy boucle dans mes oreilles depuis sa sortie.

Leloup a déjà confié à Christiane Charette qu'il ne faisait pas carrière en musique mais qu'il s'agissait plutôt d'un métier. À Guy A. Lepage, il disait ne pas mériter gagner sa vie avec ça, que la musique c'est facile et qu'elle ne demande pas trop d'efforts, en comparaison avec des jobs plus laborieuses.

Au moment même où il qualifiait de malhonnête son gagne-pain défilaient sur les planches des auditions à l'aveugle les candidats de La Voix, qui de leur côté, forcément, rêvent de gloire, de tapis rouges et d'argent. Autrement, il y a Granby et les Francouvertes.

Se présenter à la Voix, c'est se regarder briller dans les yeux de notre entourage, de nos proches, de tous ceux pour qui la réussite passe nécessairement par les CKOI, NJR, ADISQ et plateaux de télévision. Ça frôle l'arrogance que d'admettre qu'il est grand temps que la carrière décolle. Pourquoi toi plutôt qu'un autre et, surtout, pourquoi donc la chanson plutôt que la littérature, par exemple?

C'est de ne pas pouvoir se contenter d'un public qui nous est propre mais bien d'en convoiter un plus grand, celui qui porte attention aux covers de magazines lorsqu'il est en file chez Pharmaprix. Céder plutôt que résister.

Écouter Leloup parler, en 2015, écouter sa musique, c'est me rendre compte qu'on en a trop peu, des Leloup. Leloup, dans une telle candeur et en l'absence de décorum, il fait sentir qu'on peut s'abandonner sans problème dans sa mélodie, que l'histoire ne s'arrête pas qu'à la musique, qu'il y donne suite ailleurs, qu'il y a tout un univers à découvrir ou redécouvrir. On sent qu'on peut lui faire confiance, qu'au courant de sa longue aventure, il a dû se retrouver face à des choix et qu'il a probablement dit non, souvent même, par souci de conserver l'intégrité artistique qu'on lui connaît intacte.

J'ai beau supra me tenir à l'affût de notre scène émergente mais tout va trop vite. Du brainstorm pour trouver un nom de band aux 8 nominations à l'ADISQ, il n'y a comme rien entre, on dirait. De l'hype underground, parce que tsé, tu connais tout le monde à l'Esco, au repêchage par une étiquette de disques, aux 46 festivals d'été qui t'ont booké, jusqu'à voir ta face partout dans les stations de métro, on ne peut pas dire que tu me laisses beaucoup la chance de te découvrir de par moi-même, de t'apprivoiser tranquillement. 

À mesure que t'avances, il y a cette flamme qui diminue, en même temps que le risque de t'y brûler. On sent que t'as opté pour le chemin qui mène au confort et plus tu marches, plus il sera difficile pour toi de reculer, de te mettre en danger. Et quand il n'y a plus de danger, il n'y a plus d'histoire. 

Quand je t'écoute dans le métro, j'ai besoin de sentir que t'as déjà dit non, que tu résistes. Que t'es plus qu'un branding qui produit de la crisse de bonne musique. Que t'es patient. J'aurais envie de te voir faire les choses autrement, avec les outils qui sont à ta disposition et pas seulement par voie de communiqué. J'aimerais voir de quelle manière tu te débrouilles sans budget, dans ton carré de sable, armé d'une connexion Wi-Fi et de ta créativité. Sans l'aide de personne.

Mais tu ne m'en laisses pas le temps, t'es déjà à te pavaner sur les tapis rouges. Comme si moi, en tant que public, je n'avais aucune valeur. Je ne suis là que pour t'aider à t'établir, au tout début, et après, tu t'en laves un peu les mains, de moi. C'est l'autre public qui t'intéresse.

J'aimerais voir ce qu'un Xavier Dolan pourrait m'offrir, en musique. Je veux des Romain Gary, des Godard et des Coluche. Des Leloup qui composent des albums par accident.

Je vous déteste.

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