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Le Détesteur: «Coudonc, es-tu une queer, Murphy Cooper?». Je suis fluide, oui.
Crédit: Johana Laurençon

Le mois dernier, je publiais cette chronique dans laquelle je révélais pourquoi moi, homme barbu et hétéro, j’assumais finalement le maquillage, les bijoux et le vernis à ongles dans les endroits publics. Elle reçut de bien beaux commentaires qui lui étaient favorables, bien que d’autres visaient plutôt à exprimer dégoût, scepticisme et moquerie à mon égard.

Parmi les commentaires les plus étonnants, il y a ceux qui ont eu recours à l’épithète « queer » (précédé par « crisse de petite »), comme s’il s’agissait là d’un terme réducteur et duquel personne ne souhaiterait être affublé.

À cela, je répondais spontanément : Absolument. Je crois même que c’est le terme exact. — Queer, gender queergender fluid, fluide. Pourquoi pas?

Des collègues se sont même moqués auprès d’amis qui ont évidemment fait vite de tout me rapporter. Collègues qui se surprenaient que MOI je puisse afficher du vernis Essie au bout de mes doigts; n’importe quel homme, okay, mais surtout pas moi. Comme si vraiment on me connaissait. Comme si c’était inscrit dans le visage d’un homme qu’il finira éventuellement par se chixer sur une base régu ou spora.

J’avais omis d’en faire mention la dernière fois, mais pour ma part, je vois ça comme de l’empowerment. Les gens qui ont eu l’occasion de m’entendre parler ou de me croiser savent que je n’ai pas la voix typique de l’homme mûr et ténébreux, et aussi que je ne suis pas très grand. Mine de rien, ce sont là deux facteurs qui favorisent l’émasculation espiègle par les hommes et femmes qui font une fixation sur combien il est important pour un homme d’être grand, mâle, viril et noyé dans la testostérone.

J’ai dû toute une vie dealer avec les commentaires me mettant côte-à-côte avec les femmes comme si c’était une affaire ignoble. Et pas rien qu’au niveau physique. On me reprochait mes idées trop près de celles des femmes; mes passions de filles; ma manière de penser trop féminine : Tu penses et parles comme une fille! — T’imagines? Des FILLES me disaient ça! Comme si l’overthinking était propre aux femmes. On me paie pour overthinker, crisse.

Sans compter ces femmes allergiques à la vulnérabilité masculine et qui voyaient toute transparence comme une faiblesse certaine, comme un truc qui devrait impérativement leur demeurer exclusif.

Toutes ces fois où on m’a shamé parce que je n’ai pas retenu une porte ou pas salué d’emblée avec l’emmerdante bise. Ou encore, parce que je n’avais pas envie de baiser celles qui en mouraient d’envie tandis qu’on visionnait un film.

Et cette fois dans la boutique de vélo où ma copine et moi sommes entrés pour faire gonfler les pneus. À ma copine, on a offert le service complet sans chigner, alors qu’à moi, on a foutu la pompe à air dans les mains et on m’a dit : débrouille-toi! — Comme je ne savais pas me débrouiller (j’aurais dû, je suis un homme!), on m’a encore shamé, soupirs et « voyons crisse! » en prime.

On me fait sentir femme partout où on attend de moi que je sois un mâle véritable. J’en suis même venu à appréhender ces endroits, ces gens. À les éviter. Pour échapper aux soupirs et aux « t’es donc bin une crisse de femme! » latents.

Même chez Subway, plus jeune, je me demandais si c’était une affaire d’homme de faire la sélection des légumes à insérer dans mon sous-marin. J’avais l’impression qu’on était plus indulgent à l’endroit des femmes pour ces choses-là. Qu’elles avaient droit d’être un peu nounounes, de ne pas savoir comment ça fonctionne et de manquer d’initiative. Tandis que l’homme se devait d’être une brique inexpugnable.

Je n’avais rien d’une brique. Et mes très débrouillardes amies n’avaient rien de nounounes. Le nono, c’était moi. Je revendiquais ce droit de l’être. De ne pas tout à fait saisir le système chez Subway.

Je connais des hommes qui comme moi ont été en proie de commentaires et comportements visant à railler leur inclination naturelle pour des passions et manies jugées trop « filles ». Plutôt que d’assumer leur délicatesse inhérente, ils se sont défilés. Plus jamais ils n’ont à affronter l’horripilante comparaison avec la femme. Ils sont de vrais hommes maintenant, virils, mâles et musclés. De légitimes forteresses qu’on ne peut assaillir.

Des lâches.

J’adore ma mère. J’adore ma grand-mère. J’adore ma copine et mes amies. Je ne me suis jamais senti honteux qu’on me compare à elles. Qu’on me prête les mêmes passions et la même sensibilité. Bien souvent je peux être bien plus « femme » qu’elles ne le sont véritablement. 

Plus on a cherché à les rendre viles et ignobles en voulant me faire croire qu’il est déshonorant d’être opposé à elles, plus je les ai admirées et me suis dit : oui, je suis comme elles — et quitte à en payer le crisse de prix à tous les jours de ma vie, je ne me défilerai jamais. Il n’y a aucune honte à être dépeint comme une femme. 

C’est pourquoi j’assume aujourd’hui bijoux, maquillage et cutex, pour rendre hommage aux femmes de ma vie, pour obéir à cette petite voix interne qui me dit qu’au fond c’est ce que j’ai toujours voulu, ressembler à mes héroïnes.

Comparez-moi à toutes les femmes du monde si vous voulez, je trouverai bien le moyen d’être encore plus femme qu’hier. 

Tu vas faire quoi contre ça? Appeler la GRC? Tu vas absolument rien faire.

À même d’écrire ceci, j’avais déjà reçu le message (ou le snap murphycooper) d’une vingtaine de jeunes hommes qui me confiaient avoir trouvé le courage d’entrer dans une cabine d’essayage chez Ardène — ou encore de mettre le pied chez Sephora — après avoir lu ma chronique initiale traitant du même sujet.

Vous êtes badass en esti. N’écoutez pas les cissexistes.

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