Le doublon dans l’entête n’est pas une erreur d’inattention: le pilier du folk champ gauche Howe Gelb redouble bien de «géantitude» pour son nouveau projet. Véritable opéra rock racontant l’histoire d’un rêveur solitaire abandonnant tout pour suivre l’amour en Arizona, il comporte la participation de 17 musiciens, soit l’ensemble des collaborateurs avec qui Gelb a joué depuis son exil partiel vers le Danemark, il y a dix ans, ainsi que ceux qui l’accompagnent lorsqu’il est à Tucson, son second port d’attache. Quelques invités se rajoutent. La trame pourrait être une métaphore pour illustrer les migrations de Gelb (qui a lui-même laissé sa Philadelphie natale pour s’établir à Tucson, dans les années 70). Et le résultat musical, lui, pourrait être pris comme une leçon de Gelb à son ancienne section rythmique, qui l’a délaissée dans les années 90 pour fonder Calexico. Gelb investit en effet avec brio le territoire country texmex, dont Calexico a fait sa marque de commerce, mais avec plus d’ambition et de mordant que le tandem a su le faire depuis dix ans. Dans tous les cas, Tucson fonctionne comme son titre l’indique: telle une version magnifiée de Giant Sand, un épisode hors série. «Forever and a Day» est du Howe Gelb classique, tout en folk enfumé, torride, grillé au soleil d’après-midi, mais son changement de ton subit, à la manière des comédies musicales, lui donne une tournure classique. «Carinito» est tout ce que le concept laisser présager: une explosion d’instruments et de rythmes texmex. Ailleurs, les mélodies humbles de Gelb se voient habillées de parures du dimanche: lapsteel, cordes, cuivres, doubles doses de guitares… Sans surprise étant donné les capacités de Gelb, qu’on choisisse ou non de porter attention à son fil conducteur lyrique, Tucson est un jouissif concentré d’hymnes désertiques imagés et bien sentis.