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Le Détesteur: l’humour, la lutte et le sens du timing
Crédit: En tant que fan de lutte, mettons que j'ai un pas pire sens du storyline. Pis du timing, aussi. Parce que les histoires à la lutte, c'est souvent une question de bon timing. Les scripteurs prennent le pouls des fans pis étirent le thrill jusqu'au moment opportun. Ils le savent qu'on capote là-dessus.

En tant que fan de lutte, mettons que j'ai un pas pire sens de la storyline. Pis du timing, aussi. Parce que les histoires à la lutte, c'est souvent une question de bon timing. Les scripteurs prennent le pouls des fans pis étirent le thrill jusqu'au moment opportun. Ils le savent qu'on capote là-dessus. On aime suivre l'évolution de l'underdog, celui qu'on avait à peine remarqué à ses débuts, jusqu'à son championnat du monde à Wrestlemania. Ça peut s'étaler sur plusieurs années.

J'peux pas parler au nom de tous les fans de lutte, mais dans mon cas, elle m'a appris à être patient, et l'importance de gravir les échelons. Qu'il y a un timing parfait pour chaque étape et qu'on ne doit jamais sous-estimer les gens pleins de volonté. Que la ceinture du champion mondial n'est rien d'autre qu'une finalité qui marque le passage de son détenteur dans le monde des grands. Qu'on ne devient pas le nouveau The Rock si la carrière ne vient pas avec.

C'est à cause d'elle (la lutte) si aujourd'hui, j'ai un penchant pour les artistes qui évitent les raccourcis, qui laissent du temps pour les apprivoiser. Qui se forgent un personnage sous nos yeux, tâtent le pouls du public, prennent des risques et n'aspirent pas à devenir la prochaine Britney Spears dès qu'ils obtiennent un semblant de popularité.

Et malheureusement, dans le monde de l'humour au Québec, j'ai l'impression qu'on prend trop souvent les meilleures recrues par la main dans une tentative plus ou moins bonne de les propulser rapidement au sommet, aux côtés des Martin Matte et Louis-José Houde. Comme si les détenteurs d'une Zoopass n'étaient qu'une crowd de transition.

C'est vrai, on n'a plus le temps de voir évoluer les humoristes prisés, comme si tout ce qui comptait, c'était que leur nom brille sur le panneau du Théâtre St-Denis. Au plus vite. Ils décrochent d'abord des contrats d'animateur télé ou radio, se font connaître du grand public et voilà qu'on nous annonce un one-man-show.

Le fan de lutte en moi regarde ça pis trouve toujours qu'ils laissent un vide dans leur carrière. Indeed, y'a pas de règle à suivre pour la mener à bien, tout l'monde fait ce qui lui plaît, mais j'espère peut-être toujours un peu naïvement que ça déboule moins vite, le temps d'apprendre à connaître les personnages. S'imprégner de leur univers pis les apprécier. Mais nope, dès qu'on démontre un brin d'intérêt, BYE, ils se retournent de bord pour aller séduire les matantes.

J'ai déjà dit et je réitère : l'affaire avec Pierre Hébert, c'est qu'il n'a pas été drôle assez longtemps pour se permettre de ne plus l'être. Et par « ne plus l'être », je fais bien sûr référence à son personnage de Renaud, tsé, celui du déficient dans « Annie et ses hommes », que tout l'monde s'est déjà surpris à imiter (avec justesse) à chaque vendredi, là? 

J'ai pas d'problème avec le concept d'être une vedette, mais j'ai souvent l'impression qu'on nous les impose, que j'aurais pu les voir évoluer davantage avant qu'on les handicape de refrains auto-tunés, d'un faux-hawk pis de lunettes fumées. Évidemment, ce n'est qu'une image. Mais l'humour, on veut comme trop qu'il se porte bien, mais à quel prix? Celui de former la prochaine Marie-Mai?

Même le terme « humoriste » est à deux doigts de s'attirer des connotations péjoratives, vu son omniprésence.

Quoi qu'il en soit, les gérants d'artistes ne sont clairement pas tous des fans de lutte, faute de parfait timing. Et tout l'monde devrait savoir qu'on devient champion intercontinental avant d'obtenir la ceinture du champion du monde. Heureusement qu'on a des Wagner pis des Bellefeuille.

Je vous déteste.