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Éthique urbaine : Humiliation horaire

À la rentrée, et surtout pour ceux et celles qui comme moi ne rentrent plus dans rien sauf au bureau comme tous les matins, on est tentés de faire rimer ce vent de renouveau qui souffle sur les cahiers Canada avec nouvelle garde-robe et estime de soi bien travaillée. Pour ma part, c’est à ce temps précis de l’année que mon agenda croule sous les rendez-vous: massages suédois, faciaux, blanchiment de dents, psy et séances de pilates. En effet, cette année, je me dis, je vais être détendue, belle et épilée aux quatre semaines. Comme quand, à la vue d’un nouveau calepin vierge de N’Sync et de nos crayons qui sentaient bon, on se disait que nos notes allaient être bien meilleures.

Évidemment, on serait portés à croire – et avec tout l’argent qu’on investit là dedans, on y aurait droit – que ces moments seront de pure détente et qu’on en sortira en se sentant like a million dollars. Que l’industrie de la détente et du bien-être est constituée d’individus agréables qui veulent notre argent certes, mais aussi notre bien. Dans ce
domaine, comme dans tous les autres, non seulement le service offert n’est pas garanti, mais on a parfois à faire face à des êtres déplaisants, qui ne demandent rien de mieux que de nous humilier. Mettons qu’à 150 piastres de l’heure, ça revient cher l’humiliation.
 

Anecdote #1:

Pratique courante chez l’esthéticienne avec, en premier lieu, analyse du type de peau, grosse lumière dans la face:«–Hum! – Quoi? – Vous êtes complètement déshydratée! – Ah oui? – Vous fumez? – Juste des fois … – Vous avez pris beaucoup de soleil dans votre vie? – Ben, ça m’est arrivé, oui, excusez-moi … – Vous aviez choisi le facial «feel good», mais moi je vous conseillerais (du haut de ses talons cheap maganés et de sa mèche rouge) le facial pour peaux mûres parce que, ouf, honnêtement, pour votre âge, vous avez pas 40 ans encore? Ouf. Votre mère est-elle ben ridée???– Va donc chier ma grosse laide à mèche rouge, tu veux juste me vendre des crèmes à 100 piastres! – Ah non, vraiment pas, j’ai pas de commission là-dessus, je vous jure, c’est juste que dans votre cas, mon expertise (entendre mon trois mois au collège J’t’épile la face) me dit que ça
s’imposerait! – Va re-chier!»

Anecdote #2:

Séance d’épilation dans le spa de mon gym hors de prix: «– Madame, ici, on a une technique dernier cri, vous n’avez pas besoin de vous mettre sur le ventre pour qu’on épile l’arrière de vos jambes, vous avez juste à amener vos genoux pliés sur le coté, comme ça! – Ayoye donc, câlisse! – Pour une femme qui fait de l’exercice dans un gym, vous êtes pas trop flexible! – Mange donc d’la marde!

Anecdote #3:

Nettoyage de dents avec la charmante hygiéniste la bouche grande ouverte, pompe à salive bien installée: «– Pis, partez-vous bientôt en vacances? – Arffouais! (entendre
je suis pas ton amie, non mais on s’en fout, c’est-tu dans le cours de formation des hygiénistes de poser des questions plates de même quand l’autre a la bouche grande ouverte?) – Vous avez beaucoup de tartre! –(…) (entendre c’est ben pour ça que je chus icitte, criss!) – Vous passez pas la soie dentaire, c’est ça? – Eille! oui je la passe! – Ben vous la passez pas correct d’abord! Je vais vous montrer comment faire. – Non, toé estie, m’a te sacrer ta pompe à salive dans face! Tu m’as-tu vue? J’ai-tu l’air d’une fille qui sait pas comment passer son estie de soie dentaire à mon âge, câlisse! Chus diplômée! Sacre-moi la paix avec ta soie dentaire de marde, c’est-tu assez clair! Pis des
vacances, j’en prends tout le temps! Veux-tu le savoir, j’en prends plus en six mois que toé dans toute ta vie, des esties de vacances! Tiens, mon estie, m’a allé vivre dans un tout-inclus criss, pis m’a prendre Air Transat comme toé, t’es-tu contente, ma grosse pleine de tartre?»

Je vous fais grâce ici du massage exécuté par une personne grippée (fréquent) et de la séance de pilates donnée par une malade mentale.

Cette année, tout compte fait, j’opterai plutôt pour un update de mon look militaire, c’est peut-être plus safe pour ma santé mentale, la vôtre et celle de mon dentiste.